En moins de dix années, le numérique a transformé notre accès à l’information et notre vie quotidienne. Cette transformation impacte nos sociétés, nos entreprises et bouleverse notre façon d’appréhender le monde. Notre sphère numérique capte nos habitudes, préférences, déplacements et centres d’intérêt. Elle s’adapte pour nous proposer les contenus qui nous intéressent : films, musiques, livres, sorties, voyages, … Hier, l’accès à cette sphère était en général limité à l’ordinateur. Aujourd’hui, ces services sont accessibles partout via nos objets connectés (smartphones, télévisions connectées, consoles, tablettes et autres outils de travail). Les frontières travail/vie privée et vie privée/environnement social deviennent de plus en plus poreuses pour nombre d’entre nous.
Demain, dans nos villes, entreprises, maisons, voitures connectées, «intelligentes», voire autonomes, nous serons à chaque instant informés, guidés dans nos choix. La maîtrise de notre impact environnemental et l’efficacité énergétique de nos villes, infrastructures, moyens de transport et installations industrielles seront décuplées. Cette révolution digitale offre des opportunités nouvelles et importantes dans de nombreux métiers, notamment ceux de la sécurité, de la sûreté de fonctionnement et de la maîtrise des risques, avec entre autres : l’accès à l’information partout et de façon instantanée ; un recours accru à l’automatisation et la robotisation avec l’industrie 4.0 ; la réalité augmentée qui accompagne les opérateurs sur le terrain et facilite leurs interventions ; la possibilité de contrôler nos installations, réseaux, infrastructures et agir sur eux à distance ; le moyen de guider nos flux, de produire à la demande et en petites quantités ; et bien sûr la mise à disposition de puissances de calcul et de traitement de données toujours plus importantes pour la modélisation, la simulation numérique ainsi que pour le traitement des incertitudes.
L’intelligence artificielle, déjà capable aujourd’hui de battre l’homme au jeu de go, d’écrire un morceau de musique, d’aider un bureau d’avocats ou de bâtir un scénario de série télévisée, construira peut-être demain des scénarios d’accidents et proposera les barrières adéquates. Plusieurs exemples de systèmes HUMS – Health and Usage Monitoring System – existent déjà et permettent de suivre et prévoir, à l’aide de capteurs, le fonctionnement et l’état de « santé » d’un système. La technologie évolue et avec elle le développement de nouveaux outils et méthodes qui permettront de mettre en place la maintenance conditionnelle ou prévisionnelle, évitant ainsi des défaillances tout en induisant des économies sur les coûts. Dans le même esprit, la gestion des stocks pourrait ainsi être complètement automatisée et optimisée.
Ce sont autant de transformations techniques et organisationnelles auxquelles il faudra s’adapter, voire qu’il faudra anticiper. Les entreprises, institutions et services publics l’ont bien compris et y consacrent aujourd’hui des budgets conséquents. La digitalisation de l’environnement économique et social permet l’émergence de nouveaux marchés dans tous les domaines, offre des avantages concurrentiels, crée des vitrines commerciales à l’échelle mondiale et offre des leviers d’efficacité et de performance interne. Par ailleurs, les autorités de contrôle et les parties prenantes, les citoyens et les usagers exigeront plus de transparence, notamment sur les indicateurs de performance.
Cette transition numérique apporte aussi son lot de menaces : cyber-attaques, prises de contrôle à distance, espionnage industriel, intrusions, vol de données, surveillance de nos activités professionnelles et de nos vies privées… La sûreté de fonctionnement doit désormais intégrer la malveillance numérique dès la conception d’un système. Les réseaux sociaux qui peuvent être utilisés pour fournir des informations lors de situations d’urgence ou détecter des signaux faibles de pharmacovigilance peuvent également être des vecteurs de propagation de rumeurs.
Des pans entiers de l’économie seront affectés par des innovations de rupture qui semblent vouloir substituer à l’économie traditionnelle une économie digitale. Ces changements s’appuient sur des outils numériques récents, et surtout sur de nouvelles plateformes de travail et des développements technologiques dans le domaine du numérique et de l’internet (haut débit, internet mobile, géolocalisation…). Cette évolution laisse craindre un accroissement du chômage non compensé temporellement par les nouveaux métiers engendrés. La présence et la performance de l’intelligence artificielle génère également le risque que l’on en devienne dépendant, moins créatif, moins résilient par rapport aux risques, moins ouvert à la nouveauté et que l’on perde contact avec le monde réel.
D’autre part, l’intelligence artificielle présente un enjeu pour le développement de systèmes critiques. Ces dernières années ont vu émerger des systèmes de guidage à base de réseaux de neurones et de machine learning, dans le domaine militaire puis du véhicule autonome et peut-être demain de l’aviation civile. Ces technologies posent en termes de sécurité la question de la démonstration de leur sûreté de fonctionnement ou, encore, soulèvent celle de la responsabilité confiée à des algorithmes de décision (par exemple en cas d’accident d’un véhicule autonome).
Enfin, la question de la qualité et de la fiabilité de cette masse importante de données manipulées aujourd’hui via les outils du big data et du traitement automatique des langues deviendra essentielle. En effet, les résultats obtenus dépendent de la représentativité et de la complétude de ces données et vont favoriser le travail d’objectivation de situations complexes en univers risqué et incertain. Ceci est d’autant plus important pour l’identification des scénarios accidentels rares dont les symptômes avant-coureurs n’auront en général pas été décelés jusque-là.
Des défis nouveaux accompagnent aussi cette transformation initiée par la technologie. Quel sera le rôle de l’Homme dans cet environnement ? Quelle part accordera-t-on à l’expertise humaine ? Quels seront les impacts sur le travail, l’organisation du travail, la gestion des compétences et plus largement sur le management des risques ? Comment accompagner cette transformation pour en tirer les bénéfices sans en subir les menaces ?
Ce thème d’actualité représente un challenge important pour nos métiers de la maîtrise des risques et de la sûreté de fonctionnement. La 21e édition du congrès Lambda Mu à Reims du 16 au 18 octobre 2018 portera sur nos démarches, méthodes et outils permettant de relever ce défi. Au travers d’applications industrielles et de travaux de recherche, nous explorerons les problématiques posées et les réponses apportées selon les différents secteurs d’activités.
Aussi, j’invite les industriels, investisseurs, ingénieurs, consultants, spécialistes de sûreté de fonctionnement, de gestion de risque et de crise, autorités de tutelle, universitaires, chercheurs, étudiants, à venir témoigner et présenter leurs approches concernant les opportunités et menaces de ce bouleversement ainsi que les solutions de maîtrise des risques adaptées à ces évolutions. Vous trouverez ci-après les différentes thématiques et domaines techniques de ce congrès qui fera une large place aux secteurs d’activités qui oeuvrent et innovent pour la maîtrise des risques.
Leïla MARLE, ENGIE
Présidente du comité de programme
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