Les certitudes anciennes sont ébranlées. Des visions nouvelles de la société sont proposées, tantôt parce que l’essor de certaines technologies nous laisse entrevoir des possibilités inimaginables jusqu’il y a peu, tantôt parce que des messages alarmistes viennent questionner les excès de notre civilisation. Entre hier et demain s’esquisse un aujourd’hui incertain, au rythme accéléré par celui du développement technique et par l’urgence affirmée de nécessaires changements.
Qu’elle soit énergétique, écologique, climatique, numérique ou encore générationnelle, la notion de transition s’est invitée dans tous les débats sociétaux et techniques. Envisagée comme opportunité, perçue comme génératrice de peurs ou attendue comme ultime chance de limiter les conséquences de nos modes de vie, la transition, déjà présente ou escomptée, annonce un passage. Passage d’une réalité vouée à rejoindre le passé pour évoluer vers un futur aux contours encore incertains, dans lequel notre société, nos activités et nos projets devront se redéfinir.
La transition énergétique, se propose de transformer nos modes de production d’énergie vers un mix décarboné et soutenable afin de réduire nos émissions de CO2, changement climatique oblige. Abords d’autoroutes, crêtes des collines, campagnes et zones littorales ont vu éclore des éoliennes par milliers. Solution incontournable pour les uns, pollution visuelle et sonore pour les autres, elles font désormais partie de notre quotidien. Tout comme les panneaux photovoltaïques qui garnissent un nombre grandissant de toitures. Leur pénétration croissante dans la production d’électricité et la priorité qui leur est donnée dans la gestion du mix énergétique transforment au quotidien les pratiques des opérateurs du réseau électrique. Face à l’intermittence de ces sources renouvelables et à l’éloignement géographique entre zones favorables à la production et charges à alimenter, de nouveaux risques continuent d’apparaître : sécurité d’approvisionnement à court et long termes, stabilité du réseau, nouveaux investissements potentiellement non justifiés dans l’infrastructure du réseau, cycles de vie des éoliennes et panneaux photovoltaïques non maîtrisés, maintien de l’expertise dans les autres technologies de production, intermittence compensée par des énergies fossiles… Et l’actuelle transition électrique du parc automobile vient renforcer certaines de ces problématiques, tout en contribuant partiellement à la résolution d’autres, par sa capacité escomptée, mais difficilement maîtrisable, de stockage d’électricité dans les périodes de forte production renouvelable et de faible charge.
Cette transition énergétique participe d’une aspiration plus large à une transition écologique, à une transformation de nos modes de vie vers un meilleur équilibre avec notre environnement. L’analyse du cycle de vie de nos produits est un enjeu majeur de leur commercialisation. Le développement de technologies innovantes respectueuses des ressources environnementales est incontournable pour l’industrie. La gestion des systèmes de logistique et d’approvisionnement doit intégrer les circuits courts au sein de pratiques bien établies. Nos espaces de vie sont conçus pour être moins énergivores et plus cohérents avec l’écosystème, et nos constructions deviennent passives. L’impact environnemental de nos activités s’inscrit plus que jamais au coeur de leur acceptation et de leur régulation. Ces nouveaux paradigmes de société donnent naissance à de nouvelles technologies et pratiques visant une meilleure gestion des conséquences environnementales. Et ils appellent le développement de nouvelles méthodes de sûreté de fonctionnement, permettant notamment de faire le tri entre bonnes et pseudo-bonnes idées en termes de durabilité, performance et sûreté.
Notre société, plus numérique que jamais, est le témoin d’une transition marquante. Technologies smart, applications mobiles et réseaux ont envahi, de manière souvent positive, nos existences : l’aide à la conduite, la gestion à distance de notre consommation, le commerce en ligne et les commandes en un clic… sont devenus quasi quotidiens pour une part grandissante de la population. L’intelligence artificielle et le big data ont fait leur entrée dans les processus industriels qu’ils sont de nature à révolutionner. Des robots aux formes et fonctions de plus en plus variées remplacent l’humain dans nombre de situations dangereuses. Les opportunités de cette transition numérique semblent infinies. Les risques qu’elle introduit, en termes de sécurité des données, de protection des personnes, de leur vie privée et de la démocratie, de cyberattaques y compris pour des technologies plus classiques… sont à la mesure des nouvelles possibilités. Ce domaine tellement riche en termes de maîtrise des risques a largement alimenté la précédente version de notre congrès. Il sera à n’en pas douter une nouvelle fois un invité majeur à la table de ce λμ (Lambda Mu) .
Ces évolutions techniques sont associées à une transition générationnelle évidente. Les jeunes qui entrent aujourd’hui dans le monde du travail ne peuvent être considérés comme une simple génération de remplacement de ceux qui les précèdent. Ayant grandi avec internet et des outils intuitifs, dans des contextes économique, géopolitique, éthique… tellement différents de ceux connus par leurs prédécesseurs, ils apportent des opportunités salutaires de changements de nos pratiques et de modes de pensée. Mais dans quelle mesure des procédures de sûreté, établies et validées par la génération qui les a précédés, sont-elles susceptibles d’être comprises d’une manière autre que celle voulue par les concepteurs ? Comment le transfert intergénérationnel de l’expertise peut-il être réinventé pour optimiser l’héritage et la construction de nouvelles approches ? Quelle perception des risques va influencer nos futures normes, quels repères éthiques nouveaux vont définir le risque acceptable ?
La thématique des transitions vient donc tant alimenter que questionner nos métiers de la maîtrise des risques et de la sûreté de fonctionnement. La 22e édition du congrès Lambda Mu constituera une nouvelle fois un cénacle privilégié où industriels, sociétés de conseil, régulateurs et académiques exploreront de nouvelles approches, méthodologies ou applications de pratiques établies, cherchant à apporter réponses et opportunités aux risques nouveaux nichés au coeur des transitions qui transforment notre monde.
Pour partir à la découverte de ces nouveaux territoires à conquérir pour la sûreté de fonctionnement et la maîtrise des risques, j’ai le plaisir d’inviter toutes les parties prenantes de ces disciplines à prendre le large avec nous. Tout l’équipage de l’IMdR s’active déjà afin d’optimiser votre embarquement vers ces nouveaux horizons
Pierre-Etienne LABEAU, Universiré Libre de Bruxelles
Président du comité de programme